Enfermée avec les hommes, elle est violée pendant sa garde à vue

Cette commerçante de quarante ans, mère de sept enfants, a été jetée en cellule avec les hommes, gardée à vue au commissariat du 2e arrondissement de Yaoundé. Elle affirme avoir été violée.

Lucresse Ngono Obia n’oubliera sans doute jamais la nuit du 4 au 5 septembre 2012, quand les policiers l’ont jetée en pâture à des hommes gardés à vue dans une cellule du commissariat. Dans la journée du 4 septembre, le commissaire Aristide Ayissi, accompagné de ses “gros bras”, avait entrepris de casser les comptoirs appartenant aux bouchers du hangar n°6 au marché Mokolo. Il avait été relayé dans cette casse par le chef du secteur “vivres frais”, Marie Ossanga.

La nuit dans les toilettes

Un peu plus tard, Lucresse Ngono Obia, chef de ce hangar n°6 est interpellée par deux éléments du commissariat du 2e arrondissement. “Sans motif“, dit-elle. Elle est entendue tard dans la nuit avant d’être jetée, vers 23 h, dans les toilettes du commissariat. “Je n’ai pas dormi cette nuit-là. Je suis restée debout au milieu des excréments et des urines“, raconte-t-elle. Au petit matin du 5 septembre, son calvaire n’est pas terminé : elle se retrouve en compagnie de plusieurs hommes dans une cellule commune. “J’y ai vécu le moment le plus horrible de mon existence. J’ai été violée par un homme qui, par la suite, m’a fait consommer son sperme“, raconte-t-elle en sanglotant. Toujours traumatisée, elle est hors d’elle lorsqu’elle apprend que le commissaire Ayissi et Marie Ossanga, la traitent de menteuse. Au marché Mokolo à Yaoundé, toutes les attentions se portent sur cette femme qui a eu la malchance de tomber entre les mains de celui que les commerçants du marché nomment pompeusement le “très puissant commissaire Ayissi”. Depuis son arrestation, cette mère de sept enfants et grand- mère de quatre petits-fils ne marche plus seule, elle se fait toujours accompagner. Aux dires de ses proches, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même.

Malade

Psychologiquement affectée, “elle a perdu quelques kilos et ne prend plus soin d’elle“, confient ses voisines de comptoir au marché Mokolo. Suivie depuis son agression par des médecins psychiatres à l’hôpital Jamot de Yaoundé, la femme dit souffrir d’hypertension artérielle. Après sa libération le 5 septembre, elle a été prise de vomissements dans la nuit. Son fils aîné l’a alors conduite dans un centre de santé situé non loin du domicile familial sis à la nouvelle route Nkolbisson. Le lendemain, au marché, ses crises de vomissements se sont multipliées. Paniqués et effrayés, ses camarades l’ont conduite d’urgence à l’hôpital de la Cité verte où le médecin Olive Tocko lui a délivré un certificat médico-légal qui atteste : “Ngono Obia a subi des sévices corporels et physiques en milieu carcéral. Elle se plaint de douleurs pelviennes et épigastriques ainsi que de vomissements. Par conséquent, nous lui octroyons un repos médical de 29 jours.

Plainte non recevable ?

Lucresse Ngono Obia dit avoir déposé une plainte contre son agresseur et les autorités policières dont le commissaire de police Aristide Ayissi, responsable de l’unité et donneur d’ordre. Lui, qualifie le viol d’imaginaire et met en avant la vacuité du code de procédure pénale qui ne prévoit, en l’espèce, aucun dispositif particulier en matière de garde à vue. “Le droit des gardés à vue est encadré de manière générale. A aucun moment, on n’a tenu compte, au niveau de la police judiciaire, de la spécification des détenus particuliers. Et pourtant, on aurait dû le faire, notamment en ce qui concerne les femmes, les enfants, les étrangers et les handicapés“, déplore Me Simon Pierre Eteme Eteme, avocat au barreau du Cameroun et auteur d’un ouvrage sur la garde à vue au Cameroun. Me Eteme Eteme indique par ailleurs, que Lucresse Ngono Obia est fondée à traduire son agresseur en justice, et, de manière indirecte, le fonctionnaire de police ayant donné l’ordre de l’enfermer au milieu des hommes.

Léger Ntiga (JADE)

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