Bororos et pygmées exclus de la compétition

Victimes de discrimination, les Bororos et les pygmées, les minorités du Cameroun, ne sont pas présents sur certaines listes dans les régions où ils vivent. En totale violation du code électoral, qui prend en compte toutes les composantes sociologiques, et des normes internationales qui condamnent la discrimination des minorités.

 La campagne qui a débuté le 15 septembre se fera sûrement sans de nombreux Bororos et pygmées. Des recours, introduits pour annuler les listes n’ayant pas respecté les droits de ces minorités ont tous été rejetés par la Cour Suprême. Le cas le plus marquant a été l’absence des minorités Bororos sur les listes du Sdf et du Rdpc dans l’arrondissement de Batcham dans la région de l’ouest.

Ici, le Sdf reprochait au Rdpc et à l’Undp, concurrents pour gagner les 41 sièges de cette municipalité, de n’avoir pas tenu compte de la diversité sociologique de cette circonscription électorale. L’Undp pensait la même chose des listes de ses deux adversaires et estimait que la sienne avait, à la différence de celle d’en face, inclus «tout le monde» y compris les Bororos. Le Rdpc, par contre, qui ne compte aucun Bororo sur sa liste, n’y trouvait alors aucun inconvénient, estimant subir là un faux procès. Pour Paul Kenné, 5e sur la liste Rdpc à Batcham, «les Bororos ne peuvent pas encore être pris en compte à Batcham »

Le verdict de la cour suprême va ignorer ces différentes plaintes et valider les listes querellées. Et pourtant, « la loi électorale en son article 171 alinéa 3 stipule que la constitution de chaque liste doit tenir compte des différentes composantes sociologiques de la commune concernée. A Batcham, les populations Bororos occupent une place importante dans la circonscription. Vu son nombre actuel et son importance au sein de la localité, c’est une erreur de faire des choix sans tenir compte de leur avis. Je suis très déçu par le verdict de la cour suprême », a déclaré Sanda Taparé, Bororo et militant de l’Undp qui reproche par ailleurs à la cour d’être tolérante sur le principe de la « composante sociologique ».

Les pygmées grands habitués de l’exclusion…

 Habitués des exclusions et, cette fois encore, ignorés des listes aux élections municipales et législatives, ils promettent de manifester leur colère par l’abstention ou le vote sanction contre le Rdpc, le 30 septembre.

Les pygmées « Bakola » de Lolodorf reprochent au Rdpc d’avoir choisi ses candidats uniquement dans les circonscriptions électorales des personnes «civilisées». Le choix s’est alors opéré dans 12 villages sur les 28 que compte cet arrondissement. « On nous a toujours balancé à la figure la protection des minorités sociologiques. Cette disposition figure dans la constitution du Cameroun, mais d’où sort-il que les pygmées, qui sont des Camerounais à part entière, eux à qui on demande d’aller aux urnes ne soient pas éligibles? », dénonce Nkoro Catherine fleur, une ressortissante pygmée.

En violation des normes internationales

 Selon le manuel d’observation électorale de l’Union européenne, la discrimination et le rejet des minorités constituent de graves violations des règles du processus électoral. « Nul ne devrait subir de discrimination, ni être désavantagé en aucune façon pour s’être porté candidat », précise le manuel.

Autre disposition du code électoral camerounais qui contribue à l’exclusion d’une catégorie de citoyens de la course aux élections : les pièces à fournir pour être éligible ont dissuadé de nombreux pygmées et bororos qui ont un très faible niveau d’instruction. Pourtant, selon le manuel cité plus haut, « toute condition exigeant un minimum de présentation de candidature devrait être raisonnable et ne devrait pas servir à faire obstacle à la candidature ».

Maitre Nestor Toko, avocat au barreau du Cameroun et président de l’association Droit et paix, dénonce avec fermeté l’exclusion des minorités de l’élection des conseillers municipaux ou des députés. «Tous les hommes sont égaux en droit et en devoir. L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi » fait remarquer l’avocat pour qui, en mettant à l’écart des minorités, l’Etat viole lui-même cette disposition de la constitution.

Joseph OLINGA N. (JADE)