Des militants du RDPC corrompent pour se faire élire

Des militants du parti au pouvoir multiplient des rencontres informelles au cours desquelles des agapes et de l’argent sont distribuées. L’objectif étant d’acheter les consciences des électeurs au mépris de la loi. Le code pénal condamne pourtant à des peines de prison ces pratiques récurrentes.

Les journées des jeunes du quartier Bépanda à Douala sont de moins en moins longues. Elles s’achèvent généralement tard dans la nuit après le départ des émissaires de la tête de liste RDPC aux municipales à Douala 5è. Jusqu’à tard ce jeudi, veille des derniers jours d’avant le début officielle de la campagne, des jeunes qui se présentent comme militants du RDPC attendent groupés dans la cour d’un domicile au carrefour “Tendon”. « Même s’il faudra attendre jusqu’à minuit, je suis là et ne rentrerai pas d’ici sans boire une bière », fait remarquer Bell, l’un des nombreux jeunes présents.

Attendu à 21 heures, c’est finalement à 23 h 30 qu’arrivent dans deux voitures le cortège du Rdpc. « Merci d’être venus nombreux pour nous recevoir chez vous, la « mère» Mme Foning s’excuse de son absence  parmi vous, elle aurait souhaité  faire la rencontre personnelle de tous  les 26 comités de base de  Bépanda avant le début de la campagne électorale. Mais elle a pris en compte toutes vos doléances…»,  déclare le porte parole de la commission envoyée par Françoise Foning.

Le discours de propagande, arrosé de promesses d’emploi, d’amélioration du cadre de vie, est suivi du décompte des personnes titulaires de cartes électorales. Le porte parole sort ensuite une liasse de billets, en retire cinq de 10 000 F qu’il remet à l’un des jeunes. « La mère a prévu ça pour vous », lance-t-il aux jeunes qui se le partagent au taux de 1000 F chacun avec la promesse de voter pour leur bienfaitrice  le 30 septembre.

Achat de consciences…

Les différents quartiers de la circonscription électorale de Douala 5è sont quadrillés par ces émissaires qui à chaque fois font des promesses et repartent après avoir distribué de l’argent. Seules les personnes titulaires de cartes d’électeurs bénéficient de la sollicitude des émissaires. Au quartier Sodikombo à PK13, ceux qui sont recensés ne reçoivent pas directement une rémunération, mais une promesse ferme de tenir compte de leur « vote positif », c’est-à-dire en faveur du Rdpc le moment venu. En plus de leurs coordonnées électorales, sont également enregistrés leurs  contacts téléphoniques. Pour dame Adama, Présidente d’un comité à Bépanda, l’opération n’a rien à voir avec la corruption et consiste plutôt pour le Rdpc à évaluer le nombre de suffrages favorables possibles.  Elle précise par ailleurs que le « vote positif » n’est pas obligatoire et dépend de la conscience de l’électeur. « Moi je vais voter Françoise Foning parce qu’elle a beaucoup travaillé pour mon quartier qui était avant un tas de boue. Ce n’est pas pour une affaire d’argent qu’elle distribue,  mais de meilleur candidat », affirme contrariée dame Adama.

Interdit et punit par la loi

Le Mouvement africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie crie à la corruption et soutient qu’il s’agit d’un sport favori  du Rdpc. « La nourriture, du vin, des sacs de riz, de maquereau, d’huile et beaucoup d’argent sont distribués à la veille et pendant la campagne par le Rdpc et ses militants devant des caméras de télévision… C’est de la corruption et pourtant personne n’est inquiétée », dénonce Anicet Ekane, membre du Bureau politique du Manidem. En effet, de nombreux militants de ce parti et autres membres du gouvernement ou assimilés organisent depuis la convocation du corps électoral des cérémonies publiques au cours desquelles sont distribués de nombreux cadeaux en nature et parfois de l’argent. La raison officielle évoquée étant de remercier leurs électeurs et assister dans leurs difficultés. Ces pratiques sont pourtant interdites par le code pénal camerounais dans son chapitre relatif aux atteintes à la constitution. Il punit  de la détention de trois mois à deux ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement celui qui, « par l’octroi ou par la promesse d’un avantage particulier de quelque nature qu’il soit, ou  par voies de fait ou menace d’un dommage particulier quelconque, influence le vote d’un électeur ou le détermine à s’abstenir ».

E. Lako, A. Nyem, T. Tchopa  (JADE)